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CAVEJ (NON OFFICIEL)

Samedi 8 octobre 2011 à 16:13

Introduction 
Ce cours est consacré à l’ordre juridique[1] de l’Union européenne, il déclinera les différentes caractéristiques de cet ordre, en étudiant à titre préliminaire ses fondements constitutionnels, puis la répartition des compétences qui caractérisent les rapports entre l’Union et ses Etats membres, puis s’attachera à préciser les sources du droit de l’Union, et enfin à étudier de manière approfondie les rapports essentiels entre l’ordre juridique de l’Union et celui des Etats membres, c’est-à-dire les effets du droit de l’Union dans l’ordre juridique des Etats membres. Cet enseignement n’est pas isolé car il prend place dans une série de cours complémentaires les uns par rapport aux autres consacrés à la construction originale entreprise dans les années 50, avec la signature entre 6 Etats membres à l’époque du Traité CECA. Cette construction n’a cessé dès lors de se développer et d’accroître son emprise sur les droits nationaux. Le présent enseignement prend la suite de l’enseignement de première année consacrée à l’organisation européenne et communautaire et spécialement au système institutionnel de l’Union. Le fonctionnement du système institutionnel de l’Union est original propre aux organisations internationales d’intégration à laquelle l’Union appartient incontestablement qui permet de distinguer ces organisations des organisations de simple coopération. Du point de vue institutionnel, il a été expliqué que le système institutionnel conduit de manière inédite à la collaboration de légitimité différente et originale : la commission européenne représente la légitimité intégrative, le Parlement européen quant à elle représente la légitimité démocratique, et le Conseil de l’UE et le Conseil européen composés de représentants des Etats représente la légitimité intergouvernementale. Ces différentes institutions disposent chacune de pouvoirs propres qui s’expliquent par le principe de représentativité qui les gouverne mais ce triangle institutionnel collabore pour adopter le droit communautaire, l’ensemble se faisant sous le contrôle de la Cour de Justice.
 
Ce cours intervient aussi très peu de temps après l'achèvement du processus de ratification du Traité de Lisbonne entré en vigueur (après qques péripéties) le 1er décembre 2009. La modification opérée par le Traité de Lisbonne est la 5ème modification des Traité originaires – le Traité de Paris créant la CECA et les Traités de Rome créant la CEE et l'EURATOM. Ce Traité fait donc suite à l'Acte unique européen, aux Traité de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice et permet de sortir de la crise liée à l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le Traité de Lisbonne n'a qu'un impact relativement marginal sur ce cours. Il introduit surtout des adaptations dans l'organisation et le fonctionnement institutionnel qui avaient été rendues nécessaires et urgentes par les élargissements successifs qui ont conduit désormais l'Europe à compter 27 Etats membres.
 
Suite à la révision opérée, la structure des Traité change cependant. Les dispositions régissant l'Union sont désormais réparties entre 2 Traité : d'une part le Traité UE et d'autre part le Traité sur le fonctionnement de l'UE : suppression de la distinction antérieure entre le pilier CE et les piliers de coopération intergouvernementale (PESC, JAI). Le Traité de Lisbonne crée donc l'UE et supprime le vocable droit communautaire.
 
D'un point de vue pratique, l'intervention du Traité de Lisbonne ne permet pas de considérer que le droit antérieur serait désormais une table rase. On ne peut donc faire l'économie de l'exposé de ce droit antérieurement à la révision opérée. Certaines situations juridiques encore pendantes continueront d'être régies par le droit antérieur. Par ailleurs, la jurisprudence que nous serons amenés à évoquer ne se comprend que si on connaît le droit antérieur, c'est la raison pour laquelle le terme « communautaire » sera employé. L'importance d'expliquer la manière dont s'est structuré le droit communautaire persiste puisque le Traité de Lisbonne s'est souvent contenté de prendre acte des évolutions de l'acquis communautaire.
 
Le Traité de Lisbonne a introduit une nouvelle numérotation, or de nombreux arrêts, ou encore la bibliographie, peuvent contenir des références aux anciennes numérotations. Cette particularité nécessitera de faire un effort pour se référer avec beaucoup de rigueur au tableau des correspondances
Section 1 : Le cadre historique
 
Sous-section 1 : la stratégie de l’intégration et de la coopération
 
Deux stratégies, tantôt concurrentes, tantôt complémentaires, ont présidé la construction de l’Union européenne.
La stratégie de l’intégration est la plus exigeante. Elle cherche à réaliser l’Union économique et politique de l’Europe en transférant progressivement certaines compétences relevant de la souveraineté des Etats à des instances administratives ou électives transnationales[2]. Elle s’inspire du principe de supranationalité[3] et privilégie la prise de décision à la majorité qualifiée.
La stratégie de la coopération tend à rapprocher et à coordonner les politiques menées par les Etats, dans le respect de leurs souverainetés respectives. Dans les domaines, où ceux-ci conviennent de mener des actions conjointes, la coopération intergouvernementale peut demeurer diplomatique, en ce cas les décisions sont prises à l’unanimité ; mais elle peut aussi se dérouler dans un cadre institutionnel organisé et donner lieu à des votes à la majorité qualifiée, ce qui la rapproche du processus d’intégration. Ces deux stratégies ont été d’abord mises en parallèle. Puis leur combinaison, déjà amorcée au cours des années 70, a présidé à l’élaboration de l’Acte unique européen, suivi des accords d’Amsterdam, de Maastricht, et de Nice. Il en résulte la sédimentation des Traités régissant de façon enchevêtrée l’Union européenne et le Communauté. D’où l’ambition de la constitution de les fusionner que le Traité de Lisbonne a mise en œuvre le 1er décembre 2009.
Schuman déclaration du 9 mai 1950 : « L’Union européenne n’a pas été faîte, nous avons eu la guerre ».
L’utopie européenne, qui consistait à croire, qu’une union entre les Etats européens était nécessaire à la paix et à la richesse du vieux continent a existé de tous temps, si l’on ne peut citer que Victor Hugo, et Emmanuel Kant. Il convient ici de décrire de manière succincte les différentes étapes de la construction européenne.
Le traumatisme de la seconde guerre mondiale loin de freiner les aspirations européennes les a au contraire accélérer car l’union entre les différents Etats européens répondaient à une triple nécessité. Dans un premier temps, l’union a été envisagée pour reconstruire un continent meurtrie par la guerre. D’un point de vue, purement matériel, le nazisme laisse une Europe dévastée en pleine reconstruction. D’un point de vue humain, les effroyables crimes commis sous le commandement du Führer devaient conduire les Etats européens à réaffirmer les valeurs démocratiques communes. Enfin, sous la menace permanente du rideau de fer, qui déjà séparait l’Europe sinon le monde, entre capitalisme et communisme, la nécessité d’unir les forces de défense  européennes, pour anticiper sur un troisième conflit d’envergure, était de plus en plus pressante. En 1948, dans ce contexte international de crise, le Congrès de la Haye qui réunissait des éminents membres de la société civile, autour de cette idée a débouché sur un message à destination des européens pour une union des Etats européens librement consentie.
Cette impulsion a conduit à la création de diverses organisations internationales organisées sur le modèle classique de la simple coopération intergouvernementale. Une organisation économique OECE fit son apparition en 1948 devenue OCDE après l’adhésion des USA, du Japon et du Canada, l’OTAN (Organisation pour le Traité Atlantique Nord), organisation militaire, fut institué rn 1948, avant le Conseil de l’Europe qui a été mis en place en 1949.
&1 : L’acte de naissance de l’Europe : la déclaration de Schuman du 9 mai 1950
 
Il faut d’abord rappeler le contexte dans lequel de grands hommes d’Etat ont émis l’idée d’une union européenne. La déclaration de Robert Schuman intervient dans un contexte de crise internationale et elle est portée par une innovation juridique, la méthode fonctionnelle. Déçus par les tergiversations des gouvernements nationaux, qui, suite au second conflit généralisé, avait donné naissance à des organisations internationales de simple coopération, des hommes d’Etats éclairés (Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi) associèrent leurs efforts pour une véritable révolution.
Ils imaginaient alors substituer au modèle classique de coopération entre les Etats, un processus d’intégration destinée à unifier à terme le vieux continent.
Il s’agissait dans un premier d’installer durablement la paix en Europe de l’Ouest, en opposant au rêve d’une « construction d’ensemble » des « réalisations concrètes instaurant une solidarité de fait ».
Les fondateurs du modèle européen espéraient instituer une « union fonctionnelle supranationale » en plaçant l’Allemagne sur un pied d’égalité avec les Etats sortis victorieux de la seconde guerre mondiale sortant ainsi du paradigme Westphalien des Traités de 1919 où les Nations victorieuses avait imposé leur logique aux Nations vaincues.
Les réunions du Conseil de l’Europe ont montré les réticences de plusieurs Etats à une union politique, l’échec de la CED ne fera que le confirmer. Après sa déclaration du 9 mai 1950, Schuman force la main au gouvernement français puis propose son projet au chancelier allemand Adenauer. Cette volonté politique se concrétisera par le Traité de Paris signé le 19 avril 1951 instituant la CECA. La CECA est une organisation sectorielle qui ne concerne qu’une branche particulière de l’économie, destinée à créer une solidarité de fait entre les Etats membres, solidarité dont on s’attend qu’elle s’étende progressivement à d’autres domaines.
Organisation institutionnelle de la CECA :
Une haute autorité, organe d’intégration, est instituée, et elle détient l’essentiel des pouvoirs en association avec un Conseil spécial des ministres, qui est chargé de veiller au respect des intérêts des Etats membres.
Préfigurant la future démocratisation de l’Europe, une Cour de Justice et un Parlement, composée de représentants des parlements nationaux, complètent l’édifice. Le Traité est institué entre la France, l’Allemagne, l’Italie et le Benelux.
Jean Monnet en parlera comme « l’ébauche d’un pouvoir fédéral ».
La révolution du point de vue juridique est double. Dans un premier temps, le Traité CECA opère un transfert de compétence (stratégie de l’intégration), les décisions de la Haute autorité s’imposent aux Etats membres. Mais cette solidarité n’est effective que dans un secteur déterminé (méthode fonctionnelle), mais qui revêt une importance capitale, puisqu’il communautarise le domaine des ressources énergétiques, et que celles-ci sont nécessaires à l’industrie d’armement.
Mais la supranationalité va rapidement épuiser ses vertus et l’échec de la CED en limiter la portée.
&2 : L’échec de la CED  
 
Lorsque la guerre de Corée éclata le 25 juin 1950, la nécessité de renforcer les forces, dîtes « libres », impliquait un réarmement au moins partiel de l’Allemagne. Sous la pression des Etats-Unis, le Traité de Paris instituant la CED fut signé le 27 mai 1952. Le Traité prévoyait la création d’une armée européenne au sein de laquelle seraient intégrés des contingents allemands en liaison avec l’OTAN. L’ensemble devait être coiffé par une communauté politique compétente pour régler les affaires liées à la CECA et à la CED.
En France, Pierre Mendès France a du faire face à l’opposition farouche du PC et du RPF. Après avoir remanié le projet, le Traité instituant la CED fut rejeté par l’assemblée nationale, alors que les autres Etats avaient déjà ratifié le traité.
La méthode des petits pas, qui fit le succès de la construction européenne, n’a jamais vraiment laissé la place à une méthode constitutionnelle. Tacitement le Traité instituant la CED brûlait les étapes de la construction européenne, et l’union politique a toujours été accueillie avec beaucoup de réticence chez les français, est-ce peut-être la tradition gaulliste ?Dans tous les cas, l’échec de la CED et la prépondérance de l’OTAN allait entraîner la suprématie des Etats-Unis sur le plan militaire.
& 3 : Les traités de Rome (CEE – CEEA)
 
La diplomation française, après le rejet du traité instituant la CED, n’est plus en mesure de prendre des initiatives sur le plan européen. Tandis que les partenaires européens hésitaient entre la création de nouvelles communautés fonctionnelles, dans les domaines des transportes et de l’agriculture notamment, le Ministre des Affaires étrangère Belge, Paul-Henry Spaak, fut chargé au cours de la Conférence de Messine (1 er et 3 juin 1955) de présider un groupe en vue de préparer un projet de Marché commun, et à la demande de la France, d’une CEEA.
Les traités de Rome instituant la CEE et la CEEA ont été signés à Rome le 25 mars 1957. La Grande-Bretagne, réticente au projet de marché commun, et qui déjà à l’époque, se montrait plus Atlantiste que ses voisins d’Europe continentale, tenta de noyer le projet, dans une proposition de zone de libre-échange sous l’égide de l’OECE. Malgré la réticence des milieux industriels, le Traité est ratifié par le parlement français
Qu’est-ce qui différencient le marché commun et la zone de libre-échange ?
La zone de libre échange est une portion de territoire regroupant plusieurs Etats dans laquelle les barrières douanières sont levées. Le marché commun est une zone de libre-échange assortie en plus d’une politique extérieure commune en matière de tarif douaniers, et dans le cas de la CEE, d’autres politiques communes, comme la PAC. 
Le retour au pouvoir du Général de Gaulle le 1 er juin 1958 avait alors suscité l’inquiétude des milieux européens. Pourtant, la volonté du Général de Gaulle de s’engager dans le projet européen pour stimuler l’industrie française et assurer des débouchés à l’agriculture a tempéré les arguments de ses détracteurs, même si son opposition à la Grande Bretagne a été réelle.
Le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne part de la même logique fonctionnelle que le Traité CECA, mais il mêle une logique d’intégration à une logique de coopération. Les objectifs du Marché commun sont plus sophistiqués que ceux d’une simple zone de libre échange, le Traité de Rome préconise une union douanière, un tarif extérieur commun, une politique de la concurrence commune, une politique extérieure commerciale commune et une politique agricole commune. L’ensemble est régulé par des institutions, qui, sans rappeler les organes chargés de gérer la CECA, répondent à une logique d’intégration et de coopération. En effet, alors que le traité CECA avait conféré à la Haute autorité, organe d’intégration par excellence, l’essentiel du pouvoir de réglementation, elle appartient au Conseil des Ministres, organe intergouvernemental, au sein de la CEE. Une commission instituée pour défendre les intérêts communautaires détient le monopole du pouvoir de proposition, aboutissant enfin à un compromis entre les différentes stratégies en présence. Les décisions au sein du Conseil des Ministres devaient être prises à l’arrivée d’un terme à la majorité qualifiée, ce qui corrobore ce propos. Le parlement européen tout bonnement consultatif marque le déficit démocratique de la communauté économique européenne, quant à la Cour de justice, elle tient le même rôle qu’au sein de la CECA.
 
L’échéance du recours à la majorité qualifiée ainsi que la témérité du Président de la commission Walter Heinstein vont heurter la sensibilité du Général de Gaulle, lequel pratiqua la politique de la chaise vide en 1965 pendant 6 mois, pour protester contre un accord portant sur la politique agricole commune. La France ne reprendra sa place dans les institutions communautaires qu’à l’issue de l’arrangement de Luxembourg en 1966, qui impose le vote à l’unanimité pour les questions qui mettent en jeu « des intérêts très importants ».
La France, dans la plus pure tradition du « Gaullisme », par la voie de son chef de file, a posé son droit de véto par deux fois à l’adhésion de la Grande-Bretagne dans la communauté économique européenne. C’est au moment de la conclusion du Traité de Bruxelles du 8 avril 1965 fusionnant les exécutifs des trois communautés (CEE, CEEA, CECA).
De 1969 à 1985, l’intégration européenne a connu une période de crise dans laquelle les seules avancées que l’on peut compter sont les élargissements successifs de la Communauté. :
·         Traités d’adhésion du 22 janvier 1972 : GB, Danemark, Irlande et la Norvège (référendum négatif).
·         28 mai 1979 Grèce
·         12 juin 1985 Espagne et Portugal.
·         24 juin 1994 : Autriche, Finlande, Norvège, Suède.
 
Les seules initiatives intégrationnistes pendant la période de crise :
·         Traité de Luxembourg du 22 avril 1970 complété à Bruxelles en 1975 augmente avec la création de ressources propres, les pouvoirs budgétaires de l’Assemblée Parlementaire.
·         Le 10 décembre 1974, les chefs d’Etats et de gouvernements conviennent de fait élire le Parlement au suffrage universel direct.
·         Le 5 décembre 1978, le Conseil Européen de Bruxelles décide l’instauration du système monétaire européen ainsi que la création de l’écu.
Conclusion : Lourdeur des procédures – Enlisement des institutions
Sous-section 2 : La stratégie de la coopération
 
L’avènement de la Vème République permettra au Général de Gaulle de définir une nouvelle politique étrangère. Maniant, le chaud et le froid, le Général de Gaulle connaît l’importance de la Communauté économique européenne pour la France sur le plan économique, mais il ne renie pas pour autant ses propres idéaux, lui, qui avait contribué au rejet de la CED avec son parti, le rassemblement pour la France, estimant que le projet de défense commune des européens était une menace pour la souveraineté nationale. Pour de Gaulle, l’Europe est avant tout une Europe des Etats qui doit mener les Etats européens à un système de type confédéral. Fondée sur la reconnaissance des nations comme source de légitimité politique, la nouvelle politique étrangère de la France avait pour corollaire la coopération entre les Etats. La constitution de 1958 ne dispose-t-elle pas : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par la voie de ses représentants. » Père spirituelle de la constitution de la monarchie républicaine, le Général de Gaulle garde une particulière attention au peuple et à la nation, et on peut dire qu’il a le sens du compromis.
La stratégie de la coopération qui en résulte a deux aspects :
·         Le premier positif : non suivi d’effets immédiats du fait de l’échec du plan Fouchet en 1962, précède la création en 1979 du Conseil Européen des Chefs d’Etat et de gouvernement.
·         Le second aspect négatif se concrétise par la politique de la chaise vide et les vétos successifs du Général de Gaulle à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE.
&1 :L’échec à court terme du Plan Fouchet
 
Dans son allocution du 31 mai 1960, le général de Gaulle avait préconisé un plan politique, « une coopération organisée des Etats, en attendant d’en venir peut-être un jour à une importante confédération ». A l’opposition des conceptions des pères fondateurs, Monnet, Adenauer, Schuman ; cette confédération devait reposer sur des réunions régulières des Chefs d’Etat et de gouvernement. 
A l’issue du Sommet de Bonn le 18 juillet 1961, de Gaulle recueilli avec le soutien du chancelier Adenauer, l’accord de ses partenaires pour qu’une commission présidée par l’ambassadeur Christian Fouchet soit chargée de rédiger un projet d’union politique.
PLAN FOUCHET :
·         « union d’Etats ouverte aux autres pays d’Europe prêt à accepter les mêmes responsabilités et mêmes obligations ».
·         Conseil des Chefs d’Etat et de gouvernement se réunissant 3 fois dans l’année, statuant à l’unanimité, et disposant de l’essentiel du pouvoir décisionnaire
·         Parlement consultatif
·         Commission, organe d’intégration, mais ayant un rôle purement technique.
·         Politique étrangère commune – Défense commune.
Echec devant la schizophrénie des Etats, la France dont la président se bornait à refuser l’entrée du RU dans la communauté et la supranationalité, et la Belgique qui se réclamait paradoxalement de l’une comme de l’autre (Alfred Grosser).
 
&2 : Le développement de la coopération politique : le Conseil Européen
 
A l’initiative de VGE, et de Helmut Schmidt, le Conseil Européen est créé en vue de relayer l’action du triangle institutionnel. Elle constitua l’aboutissement de la stratégie de la coopération, initiée par le général de Gaulle, et qui connut des échecs retentissants et des débuts laborieux. L’élection du Parlement au suffrage universel direct, décidée le 20 septembre 1976, par le Conseil Européen est la première pierre posée par le Conseil Européen sur l’édifice de la construction européenne.
Sous-section 3 : Le Marché unique et l’Union européenne
 
&1 : Le projet de Traité du Parlement (14 février 1984)
 
Elu pour la première fois au suffrage universel les 7 et 10 juin 1979, le parlement européen souffre de la faiblesse de ses prérogatives, borné à un simple rôle consultatif, sauf en matière budgétaire, lui qui représente seul, la légitimité démocratique. Au grand dam du Général de Gaulle, à qui on reprochera une vision plus étatiste que populaire, l’Europe était d’abord une Europe des Etats avant d’être une Europe des nations, ramenant la grande utopie européenne de Victor Hugo à une petite réalisation mercantiliste. Ainsi un groupe de député réuni autour de l’italien AntieroSpinelli avait étudié la possibilité d’élaborer une constitution européenne. Le Parlement européen adopta à une très large majorité le 14 février 1984 le texte du Projet Spinelli, devenu projet de Traité relatif à l’Union européenne.
Transmis aux Etats aux fins de ratification, sans conférence intergouvernemental préalable, le projet devait rester « lettre morte » même si il ne manqua d’interpeller les Etats.
Le projet Spinelli cherchait à concilier dans un même cadre institutionnel, l’Union européenne, l’acquis institutionnel, produit de la stratégie de l’intégration, et celui de la coopération politique.
Ainsi l’article 10 du projet dispose : « L’Union agit selon les méthodes de l’action commune ou de la coopération entre les Etats membres ».
L’article 12 quant à lui dispose : « L’Union ne peut intervenir que dans le respect du principe de subsidiarité là où la Traité ne lui donne pas de compétence exclusive, pour mener des tâches qui peuvent être entreprises en commun de manière plus efficace que les Etats européens œuvrant séparément ».
Sur le plan institutionnel :
·         Le Conseil Européen est associé au dispositif institutionnel
·         Le rôle de la commission est renforcé : gouvernement de l’Union
·         Le Conseil des ministres, devenu Conseil de l’Union, et le Parlement exercent la fonction législative par le biais de la procédure de codécision.
Jacques Delors est nommé président de la commission européenne en 1985, il entreprend l’objectif 1992 de marché unique qui va aboutir à l’adoption de l’ACTE UNIQUE EUROPEEN
&2 : L’acte unique européen (17 et 28 février 1986)
 
Sur la base de cette initiative, le rapport du Comité Dooge sur les problèmes institutionnels et le Livre blanc établi par la commission européenne sur l’achèvement du marché intérieur, fondèrent alors François Mitterrand et Helmut Khol à demander lors du sommet de Milan des 28 et 29 juin 1985 la convocation, d’une conférence intergouvernementale. La présidence italienne ne parvint pas à obtenir l’unanimité mais c’est sans l’aval du Royaume-Uni, du Danemark et de la Grèce, que se réunit la Conférence de Luxembourg qui allait aboutir à la signature de l’Acte unique européen les 17 et 28 février 1986. Il convient de souligner que l’article 236 du Traité CEE ne requérait pas l’unanimité, et la réserve exprimée par ces trois pays ne les empêcha ni de participer à la Conférence, ni de signer le traité.
L’Acte unique européen tient son nom de vocation « à réunir dans un même instrument juridique des dispositions relatives à la CEE et à la coopération politique, préfigurant la future Union européenne qui devra couvrir l’ensemble du spectre de l’intégration et de la coopération ».
Alerté par le Parlement européen, qui dans son projet de Traité relatif à l’Union européenne, doutait de la capacité institutionnelle de l’Union à réaliser le marché unique européen pour 1992, et critiquait la lourdeur des institutions européennes en matière de coopération politique, les Chefs d’Etat et de gouvernement ont élaboré l’Acte unique européen pour répondre à ces deux objectifs : adapter le processus institutionnel communautaire à la réalisation du grand marché unique de 1992, d’autre part codifier la pratique de la coopération politique entre les Etats membres.
Sur le premier point, il étend la compétence communautaire à de nouveaux domaines : cohésion économique et sociale, environnement, politique sociale, recherche et technologie et surtout il élargit le champ d’application du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, en même temps  qu’il met en place une procédure de coopération visant à associer davantage la Parlement à la prise de décision.
Sur le second point, il officialise l’existence et la composition du Conseil européen qui n’était jusque-là qu’une instance informelle, et il offre un cadre à la coopération européenne en matière de politique étrangère.
L’Acte unique européen a surtout permis la réalisation des 279 propositions destinées à réaliser le marché unique européen défini dans le Livre blanc comme « un espace sans frontières  intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux » doit devenir effective. L’extension des cas de recours au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des Ministres a permis à la Commission d’avancer des propositions plus ambitieuses. Toutefois, l’Acte unique européen apparaît comme le Traité d’une période de transition et les juristes l’ont trouvé à raison beaucoup moins ambitieux que le Traité de Maastricht.
&.3 : Le traité de Maastricht sur l’Union européenne ( 7 février 1992)
 
Intervenu au lendemain de la chute du rideau de fer, le Traité vise moins à préparer le grand élargissement qu’à ancrer l’Union politique et à créer la monnaie unique.
Les accords de Maastricht cherchent, à réunir, dans un ensemble ordonné réuni autour de trois piliers : l’Union européenne, les principaux éléments qui ont contribués dans la passé à l’unification de l’Europe occidentale auxquels des prolongements spécifiques.
Article premier : « l’Union est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées par le présent Traité. Elle a pour mission d’organiser de façon cohérente et solidaire les relations entre les Etats membres et leurs peuples ».
 La Grande-Bretagne ayant récusé toute référence au « processus graduel menant à une Union à vocation fédérale », les douze Etats ont du se résigner au maintien d’une démarche pragmatique qui associe, une nouvelle fois, les logiques respectives de l’intégration et la coopération. Il en résulte un assortiment d’institutions et de processus de décision dont la cohésion sera difficile à assurer si ce n’est au niveau du Conseil Européen.
Toutefois, se dégageront de cet ensemble complexe trois sous-systèmes qualifiés de piliers, répondant respectivement aux principaux domaines dans lesquels l’Union européenne sera amené à intervenir :
·         Un système d’intégration communautaire, resté intact, renforcé par l’extension de ses compétences dans de nouveaux domaines, assortis, en matière d’Union économique et monétaire d’un système européen de banques centrales, de type fédéral.
·         Un système de coopération intergouvernemental institué en matière de politique extérieure et de sécurité commune (PESC), susceptible d’être prolongé en matière de défense, par une coopération organisée avec l’Union de l’Europe occidentale
·         Un système de coopération intergouvernemental esquissé dans un nouveau domaine : celui de la justice et des affaires intérieures. (JAI).
&4 : Le traité d’Amsterdam (2 octobre 1997)
 
Le traité de Maastricht avait assigné à cette conférence un objectif limité. Or la perspective d’un élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe central et oriental lui conférait une plus vaste ambition en vue d’adapter les institutions à la dimension d’une « Grande Europe » destiné à réunir 25 à 30 Etats.
Face à cette ambition, l’absence de volonté politique des Chefs d’Etats et de gouvernement conduisit les partenaires à renvoyer la question de l’adaptation des institutions à une annexe, qui prévoyait qu’à l’occasion du prochain élargissement les grands Etats ne conserveraient plus qu’un commissaire sur deux en échange d’une meilleure d’une meilleure pondération des voix au Conseil, et qu’un an avant le passage de l’Union à plus de vingt membres une nouvelle Conférence intergouvernementale devra réexaminer le problème des institutions. Le Traité d’Amsterdam conclu lors du Conseil européen des 16 et 17 juin apporte cependant des modifications importantes au traité TUE :
·         La référence au « principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit », dont la violation par un Etat membre est susceptible de le priver de droit de vote au Conseil.
·         L’insertion dans le Traité d’un nouveau Chapitre sur l’emploi, visant à coordonner les politiques des Etats membres en vue de promouvoir un niveau d’emploi élevé, ainsi que l’intégration dans le Traité du protocole social adopté à Maastricht
·         La création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice », comportant la communautarisation d’une partie des mesures qui figuraient dans le troisième pilier intergouvernemental(JAI)
·         La révision du cadre relatif à la PESC, pour rendre plus efficace le processus de décision, par la création d’un haut représentant pour la PESC, et par le recours partiel à la majorité qualifiée.
·          L’institution d’un système de coopération renforcée permettant aux Etats qui voudront aller « plus vite et plus loin », d’utiliser à cette fin les institutions de l’Union sauf en matière de PESC
·         Enfin une série de mesures, visant à établir au bénéfice du Parlement une procédure de codécision et à renforcer l’autorité du président de la commission
&5 : Le traité de Nice (26 février 2001)
 
Les Etats membres ont échoué de réformer profondément les institutions en vue de les adapter à l’élargissement au cours du sommet d’Amsterdam. Le Conseil européen tenu à Cologne les 3 et 4 juin 1999 fut contraint de convoquer une nouvelle conférence intergouvernementale en l’an 2000. Ouverte le 14 février, sous présidence portugaise, elle s’est achevée à Nice le 9 décembre sous présidence française.
Une nouvelle fois, le résultat est en deçà des attentes. Certes elle a procédé à la proclamation de la chartre des droits fondamentaux préparée par une Convention formée de représentant des chefs d’Etats et de gouvernement, du président de la Commission, de 16 parlementaires européens, et de 16 parlementaires nationaux.
Elle a approuvé un rapport de la présidence française sur la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) fixant les modalités de reprise en compte par l’UE des principales missions dévolues à l’UEO et créant à cette fin des structures permanentes dont un Comité politique et de sécurité (COPS). Surtout, elle a eu le mérite de donner un signal fort aux pays candidats en calibrant leur place dans les institutions et en levant l’hypothèque qui pesait encore sur l’achèvement des négociations.
Sur le plan institutionnel, la défense des intérêts des Etats membres l’a emporté sur les réformes nécessaires à la gouvernance d’une Europe élargie :
·         Le vote au sein du Conseil à la majorité qualifiée a été étendu à une trentaine de questions, l’exigence de l’unanimité a été maintenue dans les domaines essentiels.
·         Le plafonnement de la commission a été différé au jour où l’Union comporterait 27 Etats.
·         La pondération des voix au sein du Conseil a été rendue plus complexe
&6 : Le projet de constitution pour l’Europe et le Traité de Lisbonne
 
Les principales innovations apportées par le projet de Constitution pour l’Europe :
·         Conformément au mandat reçu en décembre 2000 du Conseil Européen de Laeken, il tend à codifier l’ensemble du droit fondamental de l’Union. Et il répartit 448 articles en quatre parties respectivement consacrées aux valeurs et objectifs de l’Union ainsi qu’à ces institutions, à la Chartre des fondamentaux, aux politiques communes, et aux mesures diverses concernant les procédures de révision.
·          Il opère la fusion entre la communauté européenne et l’Union au profit de celle-ci, à laquelle il confère la personnalité juridique. Il supprime les piliers établis par le traité de Maastricht et institue un mode législation ordinaire inspiré de la procédure communautaire, tout en maintenant la PESC et la JAI sous un régime intergouvernemental
·         Il institue un président permanent du Conseil européen et un ministre des Affaires étrangères, appelé à présider le Conseil des Ministres en étant également vice-président de la Commission. Il étend en matière législative le vote au Conseil des ministres à la majorité qualifiée sur la base de 55% des voix représentant 65% de la population et élargit au profit du Parlement la procédure de codécision. Enfin, il confère aux parlements nationaux un droit de regard sur le principe de subsidiarité.
·         Il facilite le recours aux coopérations renforcées et ouvre la faculté pour les Etats qui en auraient la volonté et la capacité d’établir en matière de défense une coopération structurée, assortie d’une clause d’assistance mutuelle et de la création d’une agence européenne de l’armement.
·         Il codifie dans la troisième partie l’ensemble des mesures régissant les politiques communes. Il en élargit le domaine et procède à l’extension de la méthode communautaire sauf en matière budgétaire et fiscal, en matière de politique sociale, de coopération judiciaire en matière pénale, et de coopération policière, qui demeurent régie sur une base intergouvernementale.
Le texte de la constitution a été adopté par le Conseil européen sous présidence irlandaise le 18 juin 2004, mais il sera abandonné car même il aura été ratifié par 18 Etats, il se heurtera au referendum négatif français et hollandais.
 
&7 : Le traité de Lisbonne et sa difficile ratification
 
Le rejet du projet de Traité constitutionnel par le peuple français et hollandais marque un coup d’arrêt dans la construction européenne même ce texte constituait une compilation synthétique des traités existants et n’apportait pas véritablement d’innovations importantes. En réalité, la réunion de l’ensemble du droit communautaire fondamental (institutionnel) dans un même instrument juridique, et la méthode employée (méthode constitutionnelle) représente l’apport le plus remarquable du projet. Et l’expérience montre encore, que dès que les Etats s’éloignent de la stratégie de l’intégration progressive, comme en 1952 lors de la signature du traité instituant la Communauté européenne de défense, et de la méthode fonctionnelle chère à Jean Monnet, pour une approche plus politique, l’espoir communautaire cède devant l’intérêt national, les bonnes volontés laissant la place au refus de circonstances.
Dans ce cadre, l’Union européenne a continué à fonctionner sur la base des traités existants et a connu deux élargissements en 2005 et en 2007 amenant le nombre d’Etats membres à 27. Ce contexte de crise, illustré par les dissensions des 27 sur des grands enjeux internationaux, pouvait à lui seul impliqué ka fin de l’Union européenne ou du moins la fin du processus d’intégration. Sous la présidence allemande de l’Union européenne, les Etats membres ont alors décidé d’adopter pour le cinquantième anniversaire du Traité de Rome, une déclaration commune signifiant qu’ils voulaient poursuivre le processus d’intégration. Sous la pression de la chancelière allemande Angela Merkel, et avec le soutien affiché du président français Nicolas Sarkozy, le Conseil européen des 21 et 23 juin 2007approuva un mandat détaillé adressé à une nouvelle conférence intergouvernemental convoqué le 23 juillet sous présidence portugaise en vue de préparer un projet de Traité pour pallier les carences dues au rejet de la constitution. Toute la difficulté de ce dernier compromis entre les Etats membres résidait dans la conciliation des intérêts des dix-huit Etats, qui voulaient conserver l’essentiel des apports du projet de constitution, et de La France et de la Hollande, qui tenaient absolument à ce que lui soit retiré toute portée constitutionnelle. Après avoir accordé des dérogations au R.U et à l’Irlande répondant à « la ligne rouge » fixé par leur gouvernement, les Etats membres poursuivirent leurs négociations à Lisbonne les 18 et 19 octobre.
Apports du Traité de Lisbonne :
·         TUE : 55 articles, il fusionne l’Union et les Communautés (sous réserve du cas de la CEEA)
·          TFUE : 358 articles sur le fonctionnement de l’Union ; qui modifie le traité instituant les Communautés européennes, auquel s’ajoute de nombreuses déclarations et protocole.
·         Chartre des droits fondamentaux n’est pas incorporé au Traité mais l’article 6 TUE lui reconnaît la même valeur juridique que les Traités.
Ratification difficile (voir infra)
Section 2 : La nature juridique de l’Union
 
La question de la nature juridique de l’UE a surtout intéressé la doctrine du droit communautaire, le juge communautaire n’ayant éprouvé nul besoin de se référer à elle. Cependant, il ne faudrait pas croire qu’il s’agisse d’une question purement théorique.
Si l’on était capable de définir la nature juridique de l’Union, on disposerait alors d’un modèle de référence pour l’analyse et il serait possible de l’utiliser pour combler les lacunes du droit communautaire. Dans la pratique, il faut reconnaître qu’un consensus sur la spécificité du droit communautaire est loin d’être formé.
Aussi, lorsque la Cour doit combler une lacune du Traité, elle se réfère aux caractéristiques propres du droit communautaire que l’on trouve dans l’arrêt du 15 juillet 1964 Costa c/ Enel.
Le débat sur la nature juridique de l’UE est devenu plus alambiqué depuis la ratification du Traité de Maastricht qui réunit dans un ensemble commun, l’Union européenne, tant les Communauté que les politiques menées le cadre des titres V (PESC) et VI (JAI) du Traité de l’UE.
L’Union, dans le silence des Traités, ne semblait pas être dotée de la personnalité juridique morale à la différence des Communautés. Cependant, malgré ces inconvénients, l’Union, devait être considérée de manière globale en raison des liens étroits entre ses diverses composantes (cadre institutionnel commun, obligation de cohérence entre les politiques communautaires et les politiques communes). La fusion de l’Union et des communautés, opérée par le Traité de Lisbonne, apporte à cet égard une clarification utile.
Le débat sur la nature juridique de la CECA, puis sur la nature juridique de la CEE et de la CEEA, puis enfin la nature juridique de l’Union européenne ne date pas de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ni même des controverses qui ont marqué l’adoption par la Convention européenne et la Conférence intergouvernemental du Traité portant une constitution pour l’Europe, puis le rejet de ce texte au stade la ratification par les Etats. Il s’agit d’un débat beaucoup plus fondamental qui date de la déclaration de Robert Schuman en mai 1950 et à la conclusion du Traité de Paris instituant la CECA. Les termes de ce débat peuvent être résumés par la lettre que Jean Monnet envoya à Mac Millan alors premier ministre du Royaume-Uni : « les propositions de Schuman serait révolutionnaire ou ne serait rien » notamment sur le plan juridique.
La nature juridique de l’Union commande les grandes questions relatives à l’organisation de l’ordre juridique de l’Union. La nature juridique de la Communauté européenne, et depuis le 1er décembre 2009 de l’Union européenne détermine en effet les grands champs d’étude de l’ordre juridique communautaire. Il s’agit aussi bien de la répartition des compétences entre l’Etat et l’Union, que des sources du droit de l’Union, des rapports entre celui-ci et le droit interne des Etats membres, ainsi que des mécanismes juridictionnelles qui assurent l’effectivité d’application du droit de l’Union, et le contrôle des actes de l’Union qui est une compétence partagée entre les juges nationaux et l’organe judiciaire proprement communautaire. Une réflexion initiale sur les caractères originaux de la construction européenne, sur les fondements juridiques du système normatif de l’Union, est un point de passage obligé si l’on veut comprendre ensuite les solutions techniques qui seront examinées tout au long de ce cours.
Pour simplifier les termes du débat, on peut dire que deux principales s’opposent sur la perception de la construction entreprise.
Sous-section 1 : Les deux principaux courants doctrinaux
 
&1 : La thèse de la spécificité
 
La thèse de la spécificité valorise les éléments de la construction communautaire, qui différencie la structure de l’Union de celle d’une organisation internationale classique, et singularise l’ordre juridique créée à cette occasion du droit international général. En dépit dufondement conventionnel qui n’est pas contesté, l’édifice communautaire aurait développé un appareil institutionnel infiniment plus sophistiqué que celui des organisations intergouvernementales traditionnelles. Son mécanisme de décision ferait une place sans précédent à la règle majoritaire et réduirait très singulièrement la fonction du consensualisme ou celle de l’unanimité. Existerait aussi un équilibre institutionnel original associant à la légitimité interétatique, unique légitimité dans les organisations internationales de simple coopération, une légitimité parlementaire forte, représentée par le Parlement européen, élu au suffrage universel direct, et une légitimité intégrative, représentée par une Commission indépendante. De même, le système des sources et la hiérarchie des normes en droit de l’Union seraient sans commune mesure avec le dispositif primitif qui caractériserait le droit international général. Enfin, l’existence d’un contrôle juridictionnel obligatoire, exclusif, accessible aux individus, contraignant dans ses effets, irait bien au-delà de de ce qui a jusque-là existé dans les rapports interétatique.
Ce système utilise en outre des méthodes d’interprétation des Traités constitutifs dynamiques, finalistes, considérés comme tout à fait spécifique par rapport aux techniques interprétatives du droit des gens. De surcroît, le droit communautaire entretiendrait avec le droit national des Etats membres des rapports irréductibles aux relations entre droit international et droit interne à raison du rôle fondamental joué par les principes de l’effet direct et de la primauté du droit communautaire ainsi que par les mécanismes du renvoi préjudiciel établissant un dialogue entre les juges nationaux et la Cour de Justice de l’Union. La différence entre droit communautaire et droit international ne pourrait plus en ces termes s’analyser de manière quantitative mais de manière qualitative qui correspondrait à une véritable différence de nature. Cette transformation de la nature des rapports entre les Etats adhérents à l’Union européenne feraient de l’ordre juridique communautaire, un ordre juridique non seulement autonome[4] mais indépendant de l’ordre international.
Cette altérité radicale peut selon un premier courant doctrinal peut s’exprimer par la reconnaissance de la dimension fédéraliste de la construction européenne qui aboutit pour les auteurs qui la défendent à l’assimilation plus ou moins implicite de l’ordre juridique communautaire à un ordre juridique étatique.
Une autre variante de cette thèse de la spécificité plus consciente des obstacle qui s’opposent étatique ou paraétatique du système, se caractérise par l’utilisation de concept mettant en valeur soit la nature « sui generis » du système, autour de la notion de supranationalité, de l’identification d’un droit de l’intégration, ou qui procède à des variations sur le thème d’un objet juridique non identifié. Mais quel que soit l’objet retenu pour qualifier la nature juridique de l’Union européenne ou des Communautés, un point commun demeure, le droit communautaire ne serait plus du droit international mais quelque chose d’autre, ce qui accréditerait la pertinence du mythe de la rupture totale.
&2 : La thèse de la banalisation
 
La thèse de la banalisation de la construction européenne par d’un constat opposé. Elle met l’accent sur la dimension interétatique de la construction européenne, et tout le raisonnement s’attache à souligner ce qui maintient le droit communautaire dans l’orbite du droit international. Est ainsi valorisé la nature conventionnelle des Traités de base, la place centrale qui serait occupé au sein de dans le dispositif institutionnel de l’Union par les organes interétatiques, qui a d’ailleurs au cours de l’histoire de cette construction eu plutôt tendance à s’accroitre qu’à se réduire comme en témoigne récemment la consécration du Conseil Européen comme une institution à part entière par le Traité de Lisbonne, cette consécration ne pouvant s’analyser que comme un renforcement du pôle interétatique. Ce courant doctrinal tend à souligner la rémanence de l’exigence de l’unanimité dans les votations, l’irréductible diplomatique qui resterait présent dans le processus de décision communautaire, et les exigences interétatique attachés à la procédure de révision des Traités constitutifs, toujours soumises à l’unanimité. Et aussi dans cette ligne, il faut relever le rôle des principes d’attribution des compétences, de subsidiarité, les modalités décentralisées de l’application du droit communautaire, et l’usage par la Cour de méthodes d’interprétation qui seraient inspirées de l’article 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités. Tous ces éléments seraient autant d’indices qu’en dépit de certains traits originaux, les Communautés seraient et demeureraient des organisations internationales comme les autres, restant quel que soit leur particularisme dans l’ordre juridique international. La démonstration s’accompagne les plus souvent d’une défense et d’une illustration de la présence dans le droit international général de mécanismes qui seraient considérés à tort comme caractérisant la spécificité communautaire. Est ainsi mise en valeur dans le droit international classique la tendance à la limitation du principe de réciprocité, la potentialité d’effet direct ou de primauté du droit international qui ne serait pas propre au système communautaire mais serait en réalité à la base du droit international contemporain. A l’inverse de la thèse précédente, la concession maximale des tenants de la thèse de la banalisation du droit communautaire serait de reconnaître une différence de degré entre les deux constructions, tout en niant la pertinence de l’analyse en terme de spécificité qualitative, c’est dire de différence de nature.  
Sous-section 2 : Analyse de Jean-Paul Jacqué sur la nature juridique de l’Union
 
&1 : L’Union n’a pas la qualité étatique
 
A)     Le territoire
 
Aucun auteur ne prétend que l’Union possède la qualité étatique, pourtant l’analyse doit être développée sur ce point, il est entendu que l’Etat résulte de la réunion de trois éléments : un territoire, une population, et une autorité souveraine.
Tout d’abord, l’Union ne possède pas de territoire propre, mais les traités ont un champ d’application territorial qui recouvre, avec certaines nuances le territoire des Etats membres.
Article 52 TUE
1. Les traités s'appliquent au Royaume de Belgique, à la République de Bulgarie, à la République tchèque, au Royaume de Danemark, à la République fédérale d'Allemagne, à la République d'Estonie, à l'Irlande, à la République hellénique, au Royaume d'Espagne, à la République française, à la République italienne, à la République de Chypre, à la République de Lettonie, à la République de Lituanie, au Grand-Duché de Luxembourg, à la République de Hongrie, à la République de Malte, au Royaume des Pays-Bas, à la République d'Autriche, à la République de Pologne, à la République portugaise, à la Roumanie, à la République de Slovénie, à la République Slovaque, à la République de Finlande, au Royaume de Suède et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
2. Le champ d'application territoriale des traités est précisé à l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
 
De même, l’expression de territoire communautaire est employé dans certains textes communautaire et dans une moindre mesure par le juge communautaire (arrêt du 22 octobre 1987 Irlande c/ Commission). De plus, avec l’intégration de la convention de Schengen dans le cadre de l’Union, s’est développé la notion de frontières externes de l’Union, même si pour le moment, l’Irlande et le Royaume-Uni ne sont pas parti à la convention, et si le territoire de Schengen dépasse les frontières de l’Union pour s’étendre à la Norvège et à l’Islande.
Or l’Union ne dispose pas de la plénitude et de l’exclusivité de la compétence territoriale à la différence des Etats. Elle n’intervient que dans le domaine de ces compétences. A ce titre, le territoire de l’Union n’est en rien assimilable au territoire étatique sur lequel, l’Etat exerce au regard du droit international, la plénitude de la compétence. Cette vision classique doit être nuancée au plan interne par la prise en compte du phénomène fédéral.
B)     La population
 
Le second élément constitutif de l’Etat est la population, qui se définit sur le plan juridique, par l’ensemble des personnes qui vivent sur le territoire de l’Etat, certaines d’entre elles étant liées à l’Etat par un lien de nationalité.
S’agissant de l’Union, les traités originaires visaient l’ensemble des particuliers destinataires des normes communautaires, même les citoyens des Etats membres ont toujours connu un régime plus favorable, notamment en matière de libre circulation, et de non-discrimination. Le Traité de Maastricht a accentué cette distinction entre citoyens des Etats membres et simples destinataires des normes communautaires, puisqu’il met en place la citoyenneté de l’Union.
Article 20 TFUE (article 17 CE) :
Aux termes de l’article 20 TFUE, la citoyenneté de l’Union est liée à celle d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace, il s’ensuit qu’il n’existe pas de mécanisme d’acquisition propre de la citoyenneté de l’Union. Cependant, cette situation n’est pas différente de celle de certains Etats fédéraux, qui, lors de leur création, liait l’acquisition de la citoyenneté de l’Etat fédéral à la citoyenneté d’un Etat fédéré.
Mais surtout, la citoyenneté de l’Union n’a pas d’effet sur le plan international. Même si l’article 20 TFUE (art 20 CE) prévoit la possibilité d’une protection diplomatique d’un citoyen de l’Union par les autorités d’un  Etat dont il n’est pas ressortissant. Il y a cependant deux nuances à apporter, la protection n’est pas directement exercée par l’Union, et cette procédure est soumise à deux conditions, le citoyen dont il est question doit être ressortissant d’un Etat qui n’est pas représenté dans l’Etat tiers, et cette protection est subordonnée à une reconnaissnace pour être opposable.
 
C)     Une autorité souveraine
 
Le dernier élément constitutif de l’Etat est l’exercice d’une autorité souveraine sur la population et sur le territoire. S’interroger sur la faculté de l’Union à exercer une autorité souveraine sur le territoire et la population, revient à se demander qui de l’Etat ou de l’Union détient la souveraineté. De plus, la réponse à cette question dépend de la définition que l’on attribue à la souveraineté. Si l’on considère avec Jean Bodin (1576) selon une terminologie classique, que la souveraineté est avant tout une autorité qui est supérieure à toute autre, alors l’Etat comme l’Union ne peuvent être considéré comme absolument souverain. Tout d’abord, sur le plan extérieur, comme le faisait remarquer des théologiens s’inspirant du droit naturel comme Da Vittoria ou Velasquez, la souveraineté de l’Etat est limitée par la souveraineté des autres Etats. Les Etats sont souverains et égaux entre eux, d’où il résulte une situation où chaque Etat doit procéder à des limitations de sa propre souveraineté, qui selon les auteurs s’expliquent et se justifient de différentes manières, mais qui en tout cas fondent l’existence du droit international.
Sur le plan intérieur, la souveraineté de l’Etat est limité par le transfert de compétence qui a été opérée au profit de l’Union, et avant elle, des communautés. L’Etat n’a pas le pouvoir de décider en dernier ressort dans les domaines relevant de la compétence de l’Union. A l’inverse, l’Union ne peut agir que dans le cadre des compétences qui lui sont attribués par les Traités.
Article 13 TFUE (ex-article 5 CE)
Ce partage de souveraineté entre les Etats membres et l’Union a été analysé par le Conseil constitutionnel le 9 avril 1992 comme «  une atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », entraînant ainsi une révision constitutionnelle en France. Le partage de souveraineté entre les Etats membres et l’Union rappelle de loin, le système fédéral américain, ou les Etats fédérés disposent d’une compétence de principe là ou la Constitution ne donne pas compétence au Congrès. Un politologue américain O. Beaud pensait qu’il fallait chercher le fondement du système fédéral en dehors de la souveraineté, car celle-ci, et il s’agit peut-être d'une tradition Jacobine, est indivisible.
L’Union n’ a pourtant rien d’un Etat, car dans un premier elle ne dispose pas du « monopole de la violence légitime » (Max Weber), elle ne peut recourir à la force directement sans passer par l’intermédiaire des Etats membres. De plus, l’Union ne dispose pas non plus de « la compétence de sa compétence », sachant que la révision des Traités nécessite un vote à l’unanimité des Etats membres. Aucun Etat ne saurait réviser à sa guise les Traités constitutifs de l’Union. La Cour constitutionnelle allemande a fini par enterrer le débat en considérant que l’Union n’avait pas la qualité d’Etat car elle est basée sur des Traités constitutifs dont la révision ne s’opère pas à la majorité, mais à l’unanimité en conformité avec le droit international classique.
 
&2 : L’Union européenne : une organisation internationale ?
 
L’approche habituelle des juristes consistaient à considéré l’Union européenne comme une organisation internationale classique. Il s’appuyait dans un premier temps sur un raisonnement à contrario, puisque l’Union européenne n’est pas un Etat, elle ne peut être qu’une organisation internationale. La base conventionnelle de l’Union venait corroborer cette thèse même le propos est modeste, car des Etats, eux-mêmes, ont été institué sur une base conventionnelle, et il vaut mieux s’en référer au fonctionnement et à l’organisation de l’Union européenne.
La Cour de Justice des Communautés européennes s’est penchée sur la question à deux reprises. Et si dans son arrêt Van Gend En Loos du 5 février 1963, elle a considéré que l’Union européenne était « un ordre juridique de droit international », elle se rapproche de la thèse de la spécificité dans le très célèbre arrêt Costa c/ Enel du 15 juillet 1964 : « les traités communautaires ont institué un nouvel ordre juridique, au profit duquel les Etats ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants…Les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire ainsi constitué sont en particulier sa primauté par rapport aux droits des Etats membres ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes ».
Il est vrai que les principes de la non-réciprocité, de l’effet direct et de la primauté ne sont pas notions inconnues en droit international. Or le principe de l’effet direct n’est qu’une exception en droit international alors qu’en droit communautaire il constitue la norme. De plus, aucune organisation internationale n’offre de citoyenneté aux ressortissants de ces Etats membres. D’autant plus que les organisations internationales élaborent des corps de règles applicables aux seuls sujets du droit international qui ne sont que très rarement des individus, ce qui fait déjà de l’Union européenne une organisation internationale un peu plus sophistiquée. Enfin, pour défaire cette comparaison, peu enviable entre l’Union européenne et les organisations internationales classiques (au vue de l’ambition de ses fondateurs), il convient de remarquer qu’un contrôle juridictionnel coiffe l’organisation institutionnelle de l’Union. L’Union n’est pas une organisation internationale, sinon une organisation internationale d’internationale d’intégration, quitté à vider le terme de son sens.
&3 : L’Union européenne : un ensemble de type fédéral
 
Dans ces conditions, la nature juridique de l’Union européenne soulève des interrogations et il semblerait que son organisation se rapproche à certains point de vue de celle d’un Etat confédéral et à d’autre de celle d’un Etat fédéral. Les deux anciens piliers de l’Union européenne, issus des titre V et VI du Traité de Maastricht, la PESC et la JAI, et qui bénéficie depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne d’un régime particulier, se rapporte, du fait du rôle important des Etats dans la prise de décision, de la confédération. En revanche, le système de contrôle juridictionnel et les politiques communes, qui présentent un fort caractère intégratif, montrent des analogies avec la fédération.
C’est ainsi qu’est né la concept de supranationalité.
La supranationalité désigne une association d’Etat au sen de laquelle ceux-ci mettent en commun certaines de leurs compétences, acceptent qu’un nombre important de décisions soit pris à la majorité qualifiée sans aucune formalité particulière et qu’elles l’emportent sur les normes nationales contraires. Ce concept décrit plus ouvertement les caractéristiques de la Communauté qu’il ne montre une utilité opérationnelle.
La Cour constitutionnelle allemande n’a-t-elle pas utilisé le concept d’association d’Etats (Staatenverbund) pour désigner la Communauté le 12 octobre 1993, en lui refusant la qualification de Confédération (Saatenbund) et de fédération (Bundestaat). Elle a jugé le 30 juin 2009 que l’Union avait le caractère d’une fédération, tout en nuançant son propos, en reconnaissant le caractère intergouvernemental de la prise de décision dans certains domaines.
En définitif, l’Union Européenne en serait-elle pas comme le suggère Jacques Delors, une fédération d’Etats-Nations, dont l’exercice commun de type fédéral des compétences doit respecter la diversité des Etats. L’Union présente sans doute une spécificité qu’on pousse la notion d’organisation internationale jusqu’à l’extrême, ou qu’on réduise le fédéralisme à l’échelle d’un ensemble organisé sur un mode intégrationniste. Et la question de la nature juridique de l’Union, qui a fait beaucoup couler plus d’encre, qu’elle n’a alimenté la jurisprudence de la Cour de justice, ou les discours des hommes d’Etat, reste une question subsidiaire devant les techniques et les mécanismes du droit communautaires qui servent avant tout à faire fonctionner dans des domaines particuliers la collaborations entre les Etats membres. Les utopies européennes du XIX siècles ont laissé la place au discours pragmatique des technocrates d’aujourd’hui, et on ne peut que constater après le rejet du Traité portant constitution européenne que si l’Union se rapproche d’une fédération, elle n’en porte pas le nom. 
 
Section 3 : Le dynamisme communautaire
 
En une cinquantaine d’années, le processus d’intégration européen qui a commencé par l’ébauche d’une communauté au sein de laquelle les Etats membres avaient opérée un transfert de compétences au profit d’une « autorité supranationale » dans un secteur économique déterminé, a rapidement évolué vers un marché unique d’autres formes de collaboration notamment en matière de politique étrangère, mêlant étrangement l’intégration et la coopération intergouvernementale. Le dynamisme communautaire est remarquable, et il ne peut qu’avoir des conséquences sur le plan juridique. D’autant plus, que les communautés n’ont pas été créées pour gérer une situation existantes, mais surtout pour réaliser un objectif économique à moyen terme, le marché commun, et un objectif politique, l’Union européenne.
Les exemples de ce caractère évolutif de l’Union et des communautés sont nombreux dans les textes. Le préambule du Traité CEE ne dispose-t-il pas que les Etats parties au traité consentent à « une union sans cesse plus étroite entre les Etats membres », et le Traité sur l’Union européenne de conclure quelques années plus tard que les Etats s’engagent « à poursuivre le processus en créant un union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe », idée qui est d’ailleurs réaffirmer dans l’article premier du Traité.
Léontin-Jean Contantresco devait affirmer que : « L’intégration européenne n’est pas un être mais un devenir », elle n’est pas le résultat mais l’objectif.
&1 : La nature du dynamisme
 
Le dynamisme communautaire trouve ses origines dans la stratégie de l’intégration et la méthode fonctionnelle que les pères fondateurs de l’Europe ont mis en place pour faire face aux difficultés éprouvés lorsqu’il fut question d’une « Union » de l’Europe. Devant l’impossibilité d’établir une union politique d’ensemble, la déclaration de Schuman du 9 mai 1950, qui portait en elle, le projet de créer la CECA, organisation communautaire fondée sur « des solidarités partielles qui étaient destinées à s’étendre », est axé sur les questions économiques avant d’être axer sur des questions politiques. Cela étant, le dynamisme communautaire, est généré par le contenu même des Traités constitutifs, qui dès le départ faisait état de l’objectif économique comme de l’objectif politique à atteindre.
Préambule du Traité de Paris instituant la CECA : « Conscient que l’Europe ne se construira que par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait, et par l’établissement de bases communes de développement économique… »
Le préambule de l’Acte unique européen fait lui aussi référence à cet objectif lorsque les Etats membres se déclarent « animés de la volonté de poursuivre l’œuvre entreprise à partir des Traités instituant les communautés économiques et de transformer l’ensemble des relations entre les Etats en une Union européenne ».
La marche vers l’Union européenne fut donc progressive.
Pour corroborer ce propos, et même si cela peut paraître anecdotique, il faut se référer à la base conventionnelle des Traités. Jusqu’au Traité portant constitution européenne, il ne fut jamais question de réunir les textes fondateurs de l’UE dans un seul instrument juridique. Au gré des compromis et des avancées, les textes européens sont disséminés, et de nombreux protocoles et déclarations viennent complétés les Traités eux-mêmes souvent modifiés. Ce caractère des sources du droit communautaire montre bien que la dynamique communautaire, son côté évolutif, provient justement de la tendance des Etats membres à appréhender le processus d’intégration avec la méthode dîtes des petits pas, et illustrent ouvertement leurs fréquentes divisions sur des questions fondamentales. La timidité des Etats européens a fait la dynamique du droit communautaire.
Par exemple, la notion « d’Union européenne » a été préférée à celle de Fédération ou de Confédération pour pallier à l’absence de consensus sur la question. Dans les années 70, les défenseurs d’une fédération européenne et les tenants d’une organisation sur le modèle confédéral.se disputaient sur la question de la nature juridique de l’Union. De plus, la conception de fédération était à double sens, les français et les anglais y voyaient une perte de la souveraineté au profit du pouvoir central alors que les allemands y voyaient un gage d’autonomie pour les Etats au détriment du pouvoir central qui aurait des compétences limitées.
L’appellation « d’Union européenne » a mis fin au débat idéologique, et il n’est pas rare en politique que le succès d’une notion vienne justement de son ambigüité, chacun trouvant dans « l’Union » ce qu’il voulait bien y mettre.
L’Union est donc un mouvement.
&2 : Les illustrations du dynamisme
 
Les manifestations du dynamisme sont nombreuses. Il existe tout d’abord un dynamisme communautaire organisé par les Traités eux-mêmes. Ainsi, les dispositions originaires du traité qui prévoyaient l’élection ultérieure du Parlement au suffrage universel, ou celles qui permettaient la mise ne place ultérieure de ressources propres pour les Communautés, ont constitué autant de facteurs d’évolution pour celles-ci.On pourrait également cités les dispositions du Traité d’Amsterdam relatives au visas, à l’asile, à l’immigration lequel prévoyaient, après un délai de 5 ans, la faculté de décider du passage à la majorité qualifiée et ne codécision avec le Parlement européen, dans les matières qui relèvent de ce titre.
Il existe aussi un dynamisme né de la pratique des institutions. Les institutions quelle que soit leur position respective, ont quelquefois été obligé de collaborer pour faire fonctionner l’Union, notamment en cas de silence des Traités (désigné en droit communautaire par l’expression « zones grises » du, des Traités : domaines dans lesquels les pouvoirs des institutions ne sont pas précisés par les Traités et qui peuvent donner lieu à des interprétations). D’où il suit que la vie des Communautés est faîte de nombreuses lettres, déclarations, voire de pratique non écrites. En dehors de toute difficulté d’interprétation, la pratique peut également marquer une évolution des pouvoirs des institutions dans le respect des Traités. Le droit de pétition au Parlement européen et la création des commissions d’enquêtes sont nées de la pratique avant d’être consacrées par le Traité sur l’Union européenne.
            Parfois le dynamisme procède de façon externe au Traité et utilise une voie intergouvernementale. Le cas du Conseil Européen qui a été officialisé dans l’article 2 de l’Acte unique européen, c'est-à-dire quatorze ans après sa création par le Sommet de Paris, puis est devenu une institution dans le Traité de Lisbonne en est une bonne illustration. Le plan Fouchet présenté par la France en 1961 visait la création d’Union européenne doté d’une politique étrangère commune et d’une politique de défense commune. Après l’échec de ce plan, le rapport Davignon, publié en octobre 1970, mettait en place des mécanismesde coopération politique en matière de politique extérieure, lesquels seront perfectionnés en 1973 à Copenhague. Le Conseil Européen s’intégrera dans le système en 1974. De plus, l’Union reposait sur trois piliers : le pilier des communautés, sur le mode de l’intégration, la PESC, et le pilier de la JAI, sur le mode intergouvernemental. Le traité sur l’Union européenne place ses deux piliers dans une organisation institutionnelle commune.
Si la PESC relève davantage de la coopération que de l’intégration, l’utilisation d’institutions communes, l’existence d’actions communes, dont les mesures d’application peuvent, le cas échéant, être régies par la règle majoritaire, l’obligation de cohérence entre la PESC et l’action extérieure de la Communauté rappelé à l’article 3 du Traité sur l’Union européenne tel qu’il était en vigueur à l’époque indiquent que ces dispositions constituent un point de départ vers une nouvelle évolution.
Article 3
L’intégration de la PESC dans une politique globale s’est poursuivie à la suite du Traité d’Amsterdam et du Traité de Lisbonne.
 
&3 : L’analyse du dynamisme par la science politique
 
Les politologues ont tenté de trouver une justification au dynamisme communautaire, mais en raison de la spécificité de l’Union européenne, et donc d’absence de point de comparaison, les analyses s’en trouvent réduites. Le phénomène de l’intégration communautaire a été essentiellement pris en compte par la théorie fonctionnaliste. Jean Monnet était d’ailleurs reconnu comme un fonctionnaliste. Il convient alors de considérer avec le fondateur de l’école fonctionnaliste, D. Mitrany, qu’il existe des valeurs universelles comme la paix, la justice et la prospérité que l’Etat-Nation dans sa forme actuelle est incapable de sauvegarder seul. Seuls des regroupements d’Etats établis sur une base fonctionnelle et technocratiques pourraient apporter des réponses dans le cadre d’institutions spécialisées. L’existence d’un grand nombre d’institutions spécialisés entraînerait un besoin de coordination et par voie de ruissellement, la création d’une institution mondiale.
L’expérience a montré les limites des la vision de Mitrany :
·         La définition et le contenu des valeurs universelles ont longtemps été discutés.
·         Il est difficile d’établir une distinction entre ce qui est technique et relève de la coopération fonctionnelle, et ce qui est politique, comme l’a montré la crise des institutions spécialisées de l’ONU dans les années 80.
·         L’interdépendance des problèmes condamne la recherche d’une coopération qui serait sectorielle soit à l’inefficacité, soit au déploiement d’efforts considérables en vue d’une impossible coordination.
L’école néo-fonctionnaliste corrige la vision de Mitrany en appliquant sa conception à un cadre strictement régional, là ou les analogies culturelles, économiques et géographiques peuvent permettre une plus grande intégration. Fidèle à la théorie du ruissellement, les néo-fonctionnalistes mettent l’accent sut une intégration par étapes successives, le passage d’une étape à une autre s’appuyant sur le phénomène de spill over (débordement), chaque tout progrès dans l’intégration appelant d’autre intégration. Dans un premier temps, le spill over était considéré comme un effet automatique de  l’intégration à l instar de la main invisible d’Adam Smith qui devait réguler l’économie d’un Etat pour l’amener à la prospérité. Dans une conception plus moderne, le spill over est le produit de l’interdépendance et de l’interpénétration des élites politco-administratives des Etats membres. La réaction des Etats de la zone euro à la crise est une illustration de ce phénomène. La réponse à la crise se traduit par un renforcement de la solidarité monétaire à travers des mécanismes financiers et par un développement de la coordination budgétaire.
Objections : Donne une place trop importante au rôle joué par les élites. Influence de la guerre froide, de la chute du mur de Berlin. Adhésion de l’ensemble des citoyens nécessaire.
 
Section 4 : L’Union et les Communautés
 
Représentant l’objectif formel des Traités originaire, l’Union européenne a été consacrée par le Traité de Maastricht. Le mise en place de l’Union européenne a alors bouleversé l’architecture communautaire. L’apparition dans le Traité d’une Union européenne, sans que disparaissent les Communautés existantes rendaient l’ensemble définitivement illisible. Toutefois, la forme de l’Union européenne n’avait pas été définitivement arrêté par les rédacteurs du Traité d’où l’intitulé de Traité sur l’Union européenne au lieu de celle de Traité sur l’Union européenne. Ce caractère évolutif est précisé dans le préambule du Traité qui fait référence à « la perspective des étapes ultérieures à franchir pour faire progresser l’Union européenne. ».
L’article 1 du Traité sur l’Union européenne qui a disparu dans sa version initiale après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne indiquant dans son troisième alinéa que : « L’Union est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées par le présent Traité. Elle a pour mission d’organiser de façon cohérente et solidaire les relations entre les Etats membres et leurs peuples ».
L’Union englobait :
·         Trois Communautés : CEE, CECA, CEEA
·         PESC (titre V TUE)
·         JAI (titre VI TUE)
Ø Cadre institutionnel commun a permis une plus grande cohérence dans l’articulation des politiques dans les domaines intergouvernementaux et dans les domaines d’intégration.
D’où la représentation en trois piliers. Chaque Communauté était dotée de la personnalité juridique, et dans le silence du Traité, la question de savoir si l’Union était, ou non, dotée de la personnalité morale a vivement alimenté les débats doctrinaux.
Au moment des négociations sur les Traités instituant la CEE et la CEEA, le seul obstacle à la fusion des Traités fut les disparités dans le degré d’intégration des Trois Communautés, la CECA étant plus intégrée quoique limités à un secteur de l’économie en particulier. Les négociateurs dans l’impasse ont préféré abandonné l’idée.
Afin d’éviter la multiplication d’institutions communes dues à l’existence de trois Communautés, lors de l’entrée en vigueur du Traité de Rome, une convention relative aux institutions communes mettaient en place une assemblée et une Cour commune. Et l’exécutif des Trois Communautés fut fusionné en 1965, sous réserve que chacun des organes de l’exécutif européen exerce sa compétence en fonction des attributions conféré par les Traités selon le domaine en question.
Le Traité de Lisbonne réalise la fusion entre l’Union et les Communautés et dotent l’Union de la personnalité juridique morale :
·         La PESC relève d’un régime particulier (Art 40 TFUE)
·         L’organisation en trois piliers n’a pas complétement disparu.
 


[1] Relativement à un état ou à une entité, l’ensemble des règles de droit qui la gouverne.
[2] Qui suppose le franchissement des frontières, et s’exerce par-dessus les frontières indépendamment de l’action des ETATS
 
[3] Qui suppose qu’une organisation regroupant plusieurs Etats ait été instituée au profit de laquelle un transfert de compétence a été opéré et qui dispose d’un pouvoir décisionnel dans les domaines où ces Etats lui ont justement donné compétence. 
[4] Qui se suffit à lui-même par opposition dérivé

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